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Bibliographie d’Adrien Manglard (peintre et collectionneur)

Bibliographie d’Adrien Manglard (peintre et collectionneur)

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Adrien Manglard, peintre et collectionneur (1695-1760), Olivier Michel, Mélanges de l’École française de Rome. Moyen-Age, Temps modernes, 1981, volume 93, numéro 93-2, pp. 823-926.

Né à Lyon le 10 mars 1695, Adrien Manglard fut baptisé le 12 dans l’église Saint-Vincent. Son père Edme, que les documents nomment aussi Edmond ou Aimé, s’était marié à Saint-Michel d’Ainay le 30 mai 1693 à Catherine Rose Dupérier, orpheline de son père Antoine Dupérier marchand libraire.
Elève de Van der Cabel, il fut admis à l’Académie royale de Paris le 24 novembre 1736. Il fut le maître de Joseph Vernet et vécut longtemps en Italie. Membre de l’Académie de Saint-Luc à Rome depuis 1735, il exécuta dans cette ville des travaux pour les palais Rospighosi, Colonna, etc… Il a gravé des marines, des paysages et des sujets d’histoire.

Le milieu artistique dans lequel a grandi le jeune Adrien est celui des amis de son père que l’on découvre à travers les actes d’état civil et surtout les extraits baptistaires des cinq enfants nés à Lyon entre 1694 et 1702. Pierre-Louis Hugon, peintre et architecte, fit à la requête du Parlement de Paris dix dessins du mausolée du Cardinal de Bouillon, Pierre Seity « fauseur de montres à soleil et sculpteur en pierre », était célèbre en son temps. Daniel Sarrabat est d’une autre classe. Cet ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome épousa en 1695 la fille du peintre Gilles de Hainaut, un parisien fixé à Lyon, comme Edme Manglard, comme le devient alors Sarrabat. Mais le premier en date de ces amis, le plus connu fut le hollandais Adrien van der Cabel, parrain d’Adrien Manglard. Les liens entre les deux familles étaient assez étroits pour qu’Ange van der Cabel, le frère d’Adrien, peintre lui-même, assistât au baptême et signât le registre.

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Paire de marines

Adrien Manglard arrivait à Rome en 1715. Il avait vingt ans, déjà formé à bonne école. Son père, vraisemblablement, lui enseigna les rudiments, mais pourquoi, au nom de la chronologie, réfuter
Mariette dont l’information pour un contemporain est souvent de première main et nier l’influence directe d’Adrien van der Cabel sur un enfant doué et sans doute précoce qui fréquenta son atelier jusqu’à l’âge de dix ans. Les premières années de Manglard décidèrent de sa vocation. Le peintre cependant « non lascia… di avere un gran merito nelle figure » souligne Gaburri qui l’un des premiers lui consacre une dizaine de lignes élogieuses. Or Mariette lui-même, sans pour autant faire le recoupement, le cite parmi les élèves du frère Imbert. Puisant à bonne source, il empruntait ce renseignement à un mémoire de M. de Moulinneuf, secrétaire de l’Académie des beaux-arts de Marseille, « dressé sur les indications qu’ont fournies les Chartreux avec lesquels le frère Imbert a vécu ». Ce moine artiste, né à Marseille, profès à la Chartreuse du Val de bénédiction à Villeneuve-les-Avignon, qui avait suivi à Paris les leçons de van der Meulen et de Charles Le Brun, est entouré d’une aura de légende et l’on n’a cessé, depuis Mariette, de lui découvrir des élèves. Mais sa célébrité est régionale , et ses discipes , Provençaux ou du proche Languedoc. Dès lors le nom de Manglard, dont la naissance lyonnaise était bien connue, n’est pas avancé gratuitement et cette tradition se trouve confortée de l’installation de sa famille à Avignon. Néanmoins la chronologie incertaine du frère Imbert, ses voyages insaisissables durant les vingt premières années du siècle laissent planer un doute sur le lieu de cet enseignement : Villeneuve? Marseille où un futur peintre de marines pouvait dessiner « dal vero » tout en s’exerçant à la figure ? Si « Etienne Parossel qui excelle pour l’histoire » ou le jeune Subleyras passèrent vraiment dans l’atelier du frère Imbert, ce fut autour de 1715 comme Manglard ; s’ils ne l’y croisèrent pas, ils le retrouvèrent à Rome jusqu’à l’Académie de Saint Luc. Tous les biographes du Chartreux vantent la diversité de ses talents et ses dons pédagogiques : « Il a formé non seulement des peintres, mais aussi des architectes et des sculpteurs, car il modelait à merveille ». Comme un rappel de ce lointain apprentissage, on trouve parmi les rares meubles qu’Adrien Manglard possède à sa mort « un piccolo banco per modellare ». Van der Cabel et Sarrabat parlaient de Rome, mais aussi le frère Imbert qui avait suivi son supérieur Dom Berger à la Chartreuse de Sainte-Marie-des-anges et avait rapporté de ce séjour des copies de grands maîtres, Carrache, Dominiquin, Guido Reni. Avignon, terre papale, offrait des occasions fréquentes de départ. Pour trois au moins des premiers disciples du frère Imbert, le voyage de Rome fut sans retour.

En 1717 et 1718, Manglard habite via dei Leutari. L’Académie de France est proche, installée au palais Capranica et dirigée par Charles Poerson. Manglard a dans sa collection huit dessins de ce peintre et de son prédécesseur René Houasse, mais aucun de Vleughels. Cette différence révèle moins ses goûts ou les hasards du marché que les relations personnelles d’un débutant venu demander conseil et protection. C’est surtout avec le groupe des pensionnaires arrivés en 1723 que Manglard se trouve lié. L’amitié qui nait entre lui et le Lyonnais Antoine Derizet dure toute leur vie. Lorsque l’architecte qui s’est fixé à Rome décida en 1757 de se marier, Manglard fu l’un des deux témoins requis pour l’acte de notoriété. Il jura bien connaître « d° Sig.re Cavalier de Riset fin dalla sua venuta che fece in Roma » et le fréquenter régulièrement, « praticare insieme nell’Academia di S. Luca per esser noi altri accademici ». Les procès-verbaux de cette assemblée apportent la preuve de leur assiduité. Le sculpteur Lambert-Sigisbert Adam, de la même promotion que Derizet, repart pour la France en 1732, emportant deux toiles de Manglard, un Temps calme au clair de lune et une Tempête avec naufrage, qu’il exposera au salon de 1739. Enfin il y a Natoire qui revint, directeur, en 1750 et renoua avec son passé. Il partageait avec Manglard la passion de la collection et comme on l’a vu, n’ignorait rien de ses trouvailles.

L’Académie de France n’était pas en 1715 ouverte à l’enseignement comme le sera plus tard au palais Mancini, ce dont profitera Vernet, mais les grands ateliers romains qui l’entouraient étaient à cette date les plus novateurs et les plus accueillants. Or Manglard habite au cœur de ce quartier et son ambition refuse de se laisser enfermer dans le genre mineur du paysage ou de la marine. Alla-t-il dessiner la figure chez Benedetto Luti au palais deFlorence où se succédèrent tant de Français dont certains provençaux, Claude Arnulfy ou le Van Loo, Jean-Baptiste et Carle, qui étaient à Rome de 1714 à 1718 ? Néanmoins, c’est un peintre de marine et c’est sur les ports de mer qu’il doit faire ses études. La règle que Vleughels appliquait à Vernet est valable pour Manglard. Soixante douze dessins réunis au Musée des arts décoratifs révèlent le travail précis auquel il se livra : bâteaux vus dans leur ensemble et dans leur diversité, détails isolés, positions, mouvements. Personnages et animaux sont groupés dans un carnet conservé à la Bibliothèque de l’Ecole des beaux-arts : Turcs et chameaux reflètent l’exotisme des grands ports. Venise était la porte de l’orient, mais n’apparaît dans l’œuvre de Manglard que fugacement : sujet d’un tableau appartenant au prince Camillo Rospigliosi, qui d’ailleurs pourrait avoir été peint d’après une gravure, profil discret de gondole dans un unique dessin. Naples en revanche, si proche de Rome, était son complément naturel. Manglard s’y rendit – très tôt sans doute – pour se constituer un répertoire de forme qu’il utilisera toute sa vie et dont sont sans doute issues nos deux peintures. Des vues de Livourne, étape pour les navires venus de France, ont dut être le premier contact de Manglard avec les grands ports italiens dans sa periode de jeunesse. C’était aussi un séjour de prédilection pour nombre de peintres dont ce « Monsu Alto » cité par Nicola Pio.

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A l’inverse de Vernet dont la clientèle en Italie est, à d’éclatantes exceptions près, bourgeoise et surtout anglaise, Manglard travailla pour toute l’aristicratie romaine. Mais faute d’un livre de raison, ses œuvres ne sont pas aisément datables. Si elles ne définissent pas un profil de carrière, elles illustrent cependant la réussite du peintre. Avant 1740 le cardinal Ottoboni le connaissait et lui achetait. Le prince Vaini, mort en 1744, possédait un tableautin. En 1748 il y avait dans la villa Patrizi a Porta Pia deux dessus-de-porte représentant des marines et dans une pièce du deuxième étage deux vues de la villa elle-même, l’une prise de la rue et l’autre du jardin. La même année Mgr Flavio Chigi, futur cardinal, commanda à Manglard deux marines, en 1750 le comte Marescotti en exposa une lors de la fête des Virtuoses, une autre appartenant au cardinal Valenti Gonzaga qui mourut en 1762. La collection Bufalini de Città di Castello comprenait en 1832 des toiles de Manglard dont le nombre n’est pas précisé, provenant de l’héritage du cardinal Giovanni Ottavio qui faisait carrière à Rome dans le sillage du cardinal Valenti Gonzaga. Une toile importante est mentionnée en 1765 dans l’inventaire après décès du cardinal Prospero Colonna di Sciarra. Des sources diverses en signalent à villa Albani, au palais Colonna, chez les Ruspoli et les Orsini à Monte Savelli. Le marquis Giuseppe Rondinini fut, dit-on, un amateur tardif. Il se crut néanmoins obligé d’acquérir six tableaux de Manglard pour les faire figurer dans son nouveau palais du Corso et rivaliser avec les plus grands. En 1794 Tonci recensait à la Galerie Doria Pampholj dix-sept marines de Manglard. Aujourd’hui il en reste deux. Le peintre s’identifiait alors avec le genre, signe vivace de célébrité. A la galerie Spada on lui attribue deux marines d’un style inhabituel, peintes d’ailleurs avec beaucoup de finesse et dans l’actuelle collection Pallavicini, il y a, comme on sait, deux œuvres en pendant dont l’une est monogrammée et qui paraissent être des œuvres de jeunesse. Leur origine est incertaine, car elles ne figurent pas dans les inventaires anciens. Mais elles ne sont pas seules : de toute évidence, il faut rendre à Manglard deux paysages marins attribués à Paolo Anesi dont on ne connait par ailleurs rien de comparable. Manglard en revanche a trouvé sa manière et sa perception définitive de l’espace : vastes perspectives sur lesquelles il diffuse une lumière de contre-jour, masses clairement définies, personnages distribué en deux ordres et réduits par l’éloignement à de simples figurines à la fois molles et raides ; un monde immobile et intemporel.

Quand Joseph Vernet débarque en novembre 1734, Manglard est donc à Rome depuis près de vingt ans. Il est sur le point de conquérir les honneurs académiques, devenu ce « famoso pittor di marine » que cite Pascoli. Cette renommée justifie-t-elle la démarche de Vernet qui se rend chez lui le lendemain de son arrivée ? I est conduit à Monte Gordano par un pensionnaire du roi, François Franque, fils de l’architecte avignonnais. Il n’a point besoin de recommandation pour une visite qui parait aller de soi. Quand, peu de jours après, il raconte ses débuts à Rome dans une lettre adressée au père de son ami, il parle de manglard comme d’une personne parfaitement connue de son correspondant. Cette familiarité s’explique par les attaches que Manglard avait conservées avec Avignon jusqu’à une date récente. Vernet se dirigea donc tout naturellement vers un compatriote au sens étroit du terme et cueillit avec talent les fruits d’une expérience aussitôt assimilable. Au demeurant l’influence de Manglard sur Vernet fut telle que Lanzi ne les oppose que pour mieux les unir et définir à travers eux le peinture de marine dans la Rome du XVIIIe siècle. Personne en dehors de Vernet ne se réclame de Manglard. Aucun apprenti ne vit avec lui. Seul apparaît dans son entourage immédiat à la fin de sa vie un « Mattia Moscovita » qui a toutes les raisons d’être « Mattia Pucinoff dilettante di pittura… ammesso a viva voce per Accademico di Grazia », le 5 avril 1761. Elève de Tiepolo en 1762, ce futur professeur à l’Académie de Saint-Petersbourg aura sans doute été le dernier ami d’Adrien Manglard.

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Décédé à Rome le 01 août 1760, le Diario ordinario dans sa livraison du 9 août notait comme un événement du monde artistique romain : « Nelli giorni passati moriil Sig.Adriano Manglard Parigino in eta di 60 anni, celebre pittore di marine e figure, e uno degl’Accademici delle Belle Arti nell’Accademia eretta nella chiesa di S. Martina sotto gl’auspici dell’Evangelista S. Luca ». Le 10 septembre paraissait dans Les Affiches de Lyon l’annonce suivante : « Le Sr Manglard, peintre, natif de Lyon, est mort depuis peu à Rome, où il étoit établi depuis longtemps. Mr le Consul de France dans ce pays-là souhaiteroit que ceux de ses parents qui ont le droit à son héritage, se fissent connoître. S’adresser au bureau d’avis ». Célébrité et solitude.

Adrien Manglard était mort en effet le premier août dans une dépendance du palais Gabrielli à Monte Giordano, le « casamento Tanara » où il avait vécu près de trente ans « en philosophe un peu cinique » entouré de ses seules collections. Louis Digne, qui venait de succéder à son père dans la charge de consul, usa des prérogatives attachées à sa fonction, telles qu’elles sont définies dans une lettre du 7 janvier 1750 : « Les consuls de la nation françoise en cette cour ont toujours joui du droit de mettre le scellé aux effets des François qui meurent ici sans héritier présent d’en faire l’inventaire, la vente, de payer ce qui est dû et généralement de mettre à couvert tout ce qui peut leur appartenir pour le remettre ensuite aux héritiers qui sont en France ou ailleurs ».